Confinés mais ensemble - Chroniques d’une période tourmentée #1

Comme beaucoup, je ressens le besoin d’écrire.
Peut être pour exorciser, mais surtout pour partager.
Ça aide...
Ça m’aide en tout cas et si ça peut aider ne serai ce que l’un(e) d’entre vous, alors c’est tant mieux.

J’écris aussi pour consigner cet « événement » sans précédent, ce renversement total de nos quotidiens.
Pour garder une trace...

Je ne sais pas si je posterai tous les jours mais ce sera certainement régulier.


Jour 1
Vendredi 13 Mars


Le président a annoncé la fermeture des établissement scolaires jusqu’à nouvel ordre.
Comme beaucoup d’autres parents, je garde Marius à la maison, d’autant que sa maîtresse est malade.
Nous partons acheter quelques bricoles pour apprendre en s’amusant pendant la période qui arrive.
Je reste incrédule, je peux bien l’avouer, devant l’agitation de certains qui craignent de ne pas pouvoir « occuper » leurs enfants (je déteste ce mot, la faute à mon passé d’animatrice socioculturelle certainement) ou qui se mettent immédiatement en quête de travail scolaire.
Je ne réalise peut être pas bien que tout ça peut durer longtemps.
Je me dis que ça ne sera jamais que comme une longue période de « vacances », le confinement et des activités un peu différentes en plus.
Je ne panique pas.
Je suis en fait très rassurée que mes petits soient avec moi plutôt qu’à l’extérieur.
Leur Yaya est arrivée mercredi et je dois dire que c’est aussi très confortable de l’avoir avec moi pour quelques jours.
On fait attention à observer les précautions d’usage, on rit, on joue, on se


Jour 2
Samedi 14 Mars


Nous sortons, beaucoup, peut être avons nous été inconscients ou plutôt insouciants.
Nous marchons sous le soleil jusqu’au si beau Vallon des Auffes.
On profite des rayons du soleil.
C’est doux sur la peau, ça réchauffe les cœurs.
Après manger, nous partons pour une virée shopping entre femmes...
Je me dis que c’est sûrement la dernière fois avant longtemps.
Comme un pressentiment, une conviction sourde.
Les écoles étaient fermées.
Le reste allait certainement suivre.
C’était la dernière journée d’insouciance, d’inconscience diront certains.
Un latte dans un café presque désert, quelques achats pour les garçons, pour la maison, des boucles d’oreilles jolies pour moi.
Vertes, grandes, moi qui n’en ai pas l’habitude.
Nos 10 ans aussi...
On s’en souviendra.
Le premier ministre a dit « les lieux de rassemblement fermeront à minuit », on file vite au restaurant, toujours insouciants, inconscients diront les autres.
On rentre chez nous à minuit passé d’une minute.
Comme Cendrillon, je sens le carrosse se transformer en citrouille.
L’angoisse arrive, à pas feutrés et me serre la poitrine.


Jour 3
Dimanche 15 Mars


Je me lève bien décidée à prendre tout ça au sérieux et à faire comprendre à ceux qui m’entourent que la fête est finie, au moins pour quelques temps, et que moi vivante, personne ne sortirai « se balader » ou « faire le tour du quartier pour s’aérer ».
On se confine, un point c’est tout.
Pas de négociation.
Je bascule du côté de la peur mais surtout de la prudence et de l’effort collectif pour faire reculer tout ça.
Nous ne sortirons que pour le strict nécessaire.
Et en secret, je formule des souhaits pour que mon époux bascule en télétravail rapidement, lui qui a déjà fait face à deux pneumopathies assez importantes dans sa vie mais qui n’est pas considéré « à risque ».
Dans ma tête, tout tourne à vitesse grand V pour essayer d’organiser les jours prochains.
Dois je « faire l’école » à mon 5 ans ou simplement lui proposer des temps d’activités simples?
Du côté de son école: aucune communication.
Nous verrons...
En attendant nous construisons des cabanes.


Jour 4
Lundi 16 Mars


Je descends acheter du pain et du lait.
J’en profite pour frapper chez mes voisins de palier, très âgés, pour leur donner, en gardant mes distances, un bout de papier vert, signe d’espoir, sur lequel j’ai griffonné mes coordonnées juste au cas ou.
J’en donne un à la voisine d’à côté aussi.
Je n’ai plus que le mot « solidarité » en tête.
Je leur répète bien de ne pas sortir et que s’ils ont besoin de quoique ce soit j’irai le chercher pour eux.
En bas, la rue est presque déserte.
Seule les sirènes des pompiers ou des patrouilles de police résonnent.
Le vent souffle doucement.
Les gens font la queue devant la supérette du quartier, certains ont des masques, d’autres plaquent des foulards sur leurs nez.
Tout le monde attend en silence de pouvoir rentrer par groupe de 10.
On se croirait sous l’occupation.
Je prends des nouvelles des miens en attendant, en m’assurant bien que tout le monde sera prudent.
C’est fou comme le cerveau peut basculer d’une insouciance presque totale à un besoin de tout verrouiller, contrôler pour gérer les vagues de peur qui l’assaillent.
Je finis par entrer, je fais mes quelques courses rapidement, le visage fermée, comme beaucoup.
J’échange quelques sourires quand même.
C’est tellement important.
Je remonte et trouve mes garçons et leur yaya qui jouent sur le balcon.
Ils rient aux éclat, font des courses de vélo,...ce sera notre cours de récréation.
Je me prends à regretter Toulouse, la sécurité de notre entourage, les joies de notre jardin d’avant,...
Je traine sur les réseaux et les initiatives/propositions/conseils me font tourner la tête.
C’est trop.
Trop pour moi à cet instant là.
Le téléphone sonne: mon époux bascule en télétravail dès demain.
Les larmes montent, je souffle un bon coup.
Il sera confiné avec nous.
Je suis rassurée, comme si j’avais le pouvoir magique de protéger tous ceux qui seront sous mon toit.
Je commence à imaginer une journée type pour que notre appartement ne devienne pas un chaos permanent.
Nous sommes deux à devoir travailler et ils sont deux à vouloir jouer toute la journée.
Toujours pas de communication de l’école alors je farfouille sur les sites dédiés et je trouve quelques fiches d’activités.
Le temps me manque pour tout caler.
Je traine sur les réseaux, je suis prise de vertige face à tout ce qui se met en place.
La nuit est déjà là...
Demain il fera jour et nous trouverons notre rythme, petit à petit.
Le président va parler, on s’aligne sur le canapé pour écouter.
On est pas plus avancés mais on comprends que dans les jours qui arrivent, les règles risquent de se durcir.
Ma belle mère, qui est avec nous depuis quelques jours, aimerait rentrer chez elle rapidement avant que ça ne soit tout bonnement plus possible.
A 5h d’ici.
Tous les trains sont annulés et les locations de voitures hors de prix.
Il faudra la ramener par nos propres moyens demain.
Ils partiront à l’aube, en voiture.
Je suis de plus en plus stressée, l’angoisse gagne du terrain.
Mais il est temps d’aller se coucher...




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