Confinés mais ensemble - Chronique d’une période tourmentée #17

Jour 28

Vendredi 10 Avril

Bilan de la journée: un tapis et un matelas de sol a laver à grande eau demain (ca va être simple sur le balcon...) pour cause de pipis intempestifs.

Un au levé sur ma descente de lit, un ce soir en sortant du bain.

Je ne donnerai pas de noms n’insistez pas.
Je dirai juste que les « coupables » ont moins de 6 ans...

La journée a donc commencé sur les chapeaux de roues par un douche très matinale et un ballet de serpillère (vous me direz « au moins c’est fait! », je vous répondrez c’est pas faux mais j’aurais préféré faire ça avec les yeux bien ouverts, bref...c’est fait!).

Après le petit dej, place au travail envoyé par la maîtresse de Marius.
Ce soir c’est les vacances alors on fait un petit effort.
Pendant les deux semaines qui viennent, la maîtresse nous a dit qu’elle nous enverrait tout de même quelques activités.
Mais nous, ce qui est sur, c’est que l’on va continuer l’album de Claude Ponti!
Parce qu’on aime beaucoup trop ça pour faire une pause (je crois que celle qui aime le plus c’est moi, mais comme souvent avec Marius, il suffit qu’il saute le pas et après il se laisse aller à la création! Mais, merci le manque de confiance en lui pour ça, c’est pas forcément toujours évident d’amorcer ce genre de choses avec lui, je ne vais pas vous mentir.

Pour une fois, j’anticipe et je me lance dans la confection d’un bon repas équilibré.
Des feuilletés tomate-comté, salade verte et épinards à la crème réclamés à corps et à cris par mon grand (ne cherchez pas, je ne sais pas d’où ça vient...ou plutôt si: merci la cantine...enfin...j’y reviendrais plus loin...).
Je cuisine en dansant, les enfants jouent tranquillement.
Les feuilletés sont jolis comme tout, ils ont l’air appétissants.
Je les ai mieux réussi que la dernière fois tiens...
J’arrête le four.
Je prépare les épinards frais que l’on a trouvé au supermarché.
Oui parce que ce coup ci on les a pas achetés surgelés voyez...

Tout à coup, je sens une odeur de « chaud », presque cramé...
Mon sang ne fait qu’un tour et mon cerveau comprends immédiatement...
Le bouton rond du four est sensible et au lieu de l’éteindre j’ai...enclenché la pyrolyse et ce depuis quelques minutes sans m’en rendre compte.
J’éteins tout dans la seconde.
Oui mais, pyrolyse oblige.
La porte du four est verrouillée encore pour un moment.
Nous regardons donc impuissants nos si jolis feuilletés partir en...cramé.

Habituellement, honnêtement, j’aurais pu en rire. En rire même aux éclats.
Mais là je fond en larmes.
Je n’arrive plus a m’arrêter.
Je suis déçue puissance mille.
J’étais si contente de régaler tout le monde.
Je pleure en silence en terminant les épinards à la crème.

Nous finissons par passer à table
Les feuilletés sont donc partis directement à la poubelle (si nous avions été dans la nature, nous les aurions volontiers donnés aux oiseaux comme nous faisions dans notre ancienne maison, je déteste jeter de la nourriture...)
Marius regarde les épinards et me dit:
« Je goûte maman, mais si j’aime pas, je laisse... »
Il goûte, je retiens mon souffle...
Et ils fait non de la tête.
« C’est pas les même qu’à la cantine maman. A la cantine ils ont pas cette couleur. C’est pas ce vert. Moi j’aime mieux ceux de la cantine en fait. »
Habituellement j’aurais ri, ri aux éclats.
Mais là, les larmes montent à nouveau.

Je rassure tout le monde: je pleure devant mes enfants sans aucun problème, mais évidemment je verbalise ce qui me fait pleurer.

Et évidemment que je ne pleure ni pour des épinards pas assez verts, ni pour des feuilletés cramés.
Je pleure parce que je suis déçue oui, mais j’évacue aussi le trop plein de ces derniers jours.
Les tensions, le manque des miens, la nervosité ambiante.

Je descends après le repas, c’est mon tour pour les courses au petit supermarché en bas de chez nous.
Je ne sors plus sans mon masque.
Même pour le courrier.

Je me range docilement dans la file d’attente qui court tout le long du trottoir.
J’essaie de ne pas oublier de garder mes distances.
J’ai du mal avec ça en fait.
Non pas que je me colle aux gens habituellement, mais j’ai du mal à intégrer qu’en ce moment l’autre peut être dangereux pour moi et vice versa.
Et pourtant.
Je suis donc là, sur le trottoir.
Le soleil brille haut et c’est bon de le sentir sur moi.
Je suis là, dans mes pensées.
Quand tout à coup: un cri.

Une femme cri, d’autres courent.
Elle vient de se faire renverser par une voiture.
Je la vois retomber sur le sol comme une poupée de chiffon.
Je dégaine mon téléphone, mais une jeune femme qui se trouve plusieurs personnes devant moi sors de la file et a déjà crié « j’appelle les pompiers! Je suis infirmière! ».
Deux autres femmes sont auprès de la blessée.
Elles font leur possible pour ne pas qu’elle bouge et pour la rassurer.
Toutes ces femmes me semblent si fortes.
Je me sens tellement inutile.
Mais il n’est pas nécessaire d’aller grossir les rangs.
Ce serait totalement contre productif.
Je reste là, hébétée, mon panier à la main.

Le pompiers arrivent très rapidement.
La caserne est à moins de 100 mètres.

Elle est prise en charge rapidement.
Elle parle, elle est sous le choc.

La jeune infirmière qui a géré la situation de main de maître reviens vers la file d’attente.
Personne ne bouge.
Je suis presque à la porte mais je m’arrête, faisant stopper la file derrière moi et je l’invite à revenir devant moi.
Elle est étonnée, elle me dit derrière son masque « vous êtes sure? » et derrière le mien je lui répond « oh oui! C’est la moindre des choses! ».
On se souri avec les yeux.

Je remonte après les courses.

S’il n’y avait eu ce confinement, nous aurions été en route pour la ville qui nous a vue grandir.
En route pour fêter Pâques avec nos proches, parce que chez nous c’est une fête aussi importante que noel et qu’on a plaisir à se retrouver pour celle ci.
En route pour fêter les 60 ans de ma tatie.
En route pour voir les cousins.
En route pour le creux des miens qui me manquent tant...

Jour 29

Samedi 11 Avril

La journée démarre dans le stress.
Et quand c’est comme ça, ça n’augure rien de bon...

Demain c’est Pâques.
Marius attend ça depuis des semaines.
J’avais acheté quelques petites choses pour eux avant le confinement, et à chaque plein de courses, nous avons acheté quelques chocolats.
Raisonnablement.
Parce que moi, les chocolats de Pâques qui traînent des mois dans les placards, ça a le don de m’avancer prodigieusement.

Enfants, ma soeur et moi en recevions tellement (c’était hallucinant je pense) que ma mamie les congelait et les ressortait tout au long de l’année pour faire gâteaux et mousses au chocolat.

J’ai envie de leur préparer une jolie table.

A midi je commence à teindre des napperons à la machine.
J’avais des teintures Haute Couture qui n’attendaient que ça.
C’est très simple d’utilisation et les nuances qu’ils proposent sont vraiment jolies et lumineuses.
Je fouille dans mes étagères, j’y trouve du rose poudré, du jaune safran et du vert émeraude.
C’est parfait pour une table de Pâques!
Je sors ma collection de vieux napperons et je m’emploie à leur donner une nouvelle jeunesse.

Pendant ce temps, je voudrais crocheter les 5 petits oiseaux d’ Anisbee , et aussi coudre les pochons Chouette Kit et aussi préparer des bagels pour demain, et faire un gâteau de Pâques joli.

J’aimerai aussi que l’on tapisse la mur de notre chambre, mais ça ne sera pas pour aujourd’hui.




Je fais tout ça (mis a part la tapisserie), sans arrêter une minute.
En pestant contre l’agitation des enfants et le calme de mon époux.
J’ai envie que ce soit joli.

Pour eux, et aussi pour moi.
Parce que nous aurions dû être au creux des nôtres aujourd’hui, et préparer tout ça avec ma soeur.
Les enfants nous auraient fait perdre la raison, comme à l'accoutumée.
On se serait collés serrés dans la chambre d’amis de ma soeur (pas tant que ça en réalité parce qu’elle est très grande), nous aurions fait le tours des jardins de tous les grands parents en pestant de courir dans tous les sens mais heureux de passer du temps avec chacun d’eux.

Alors je crochète (deux oiseaux sur 5), je cuisine des bagels, je couds un peu, je découpe des étiquettes et des cake toppers,...jusqu’à l’énervement.
J’aimerai parfois avoir 2 bras de plus...


Je me décide aussi à faire un gâteau.
Je regarde sur le net pour trouver des idées de recettes.
Et puis je me trouve bien bête: ce sera un gâteau aux pommes.
Le gâteau au pomme de mon enfance.
Celui dont j’avais noté la recette en CP pour apprendre à compter.
Et puis je me suis souvenue du joli moule de ma grand mère. Bien rangé dans mon buffet.
Ca n’allait pas être simple à démouler mais tant pis.
Elle aussi serait avec nous.

Ca n’a pas loupé, le gâteau ne s’est pas bien démoulé mais, après avoir râlé et avoir respiré un bon coup, j’ai réparé les dégâts tant bien que mal et je l’ai trouvé parfait comme ça.

Une fois les applaudissements passés, le bouton choisi et cousu et les enfants couchés; j’ai dressé la table pour qu’ils aient la surprise au petit déjeuner.
Et nous avons été déposer les chocolats sur le balcon.

Leur première chasse aux œufs ailleurs que dans les jardins de la famille....


Jour 30

Dimanche 12 Avril

J’ai fait sonner le réveil.
Je voulais faire des gaufres pour parfaire le petit déjeuner.

J’y parviens avant que leurs petits yeux ne s’ouvrent.


Étrangement, tout semble d’imbriquer comme il faut.
Aucun problème pour habiller les garçons alors qu’habituellement je dois répéter sans cesse.
La promesse du passage des cloches, assurément.
Ou l’augure d’une journée calme et heureuse peut être.

Ils sont si heureux de découvrir la table.
Je suis si heureuse de voir leurs yeux briller.
C’est uniquement pour ca que je fais tout ça.
Juste pour ce scintillement là.

Aujourd’hui, pas de cris.
Aucune saute d’humeur.
Juste la simplicité d’un dimanche un peu spécial.






























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