Confinés mais ensemble - Chronique d’une période tourmentée #19


Jour 32

Mardi 14 Avril

Depuis quelques jours, les enfants se réveillent et jouent tranquillement dans leur chambre en attendant que l’on émerge.
Ou plutôt, Marius vient nous prévenir qu’ils sont réveillés et retourne divertir son petit frère prisonnier de son lit à barreaux.

On profite de cette parenthèse enchantée (qui ne durera probablement pas, ne soyons pas dupes) pour grappiller quelques minutes de repos supplémentaire.

Aujourd’hui, Mathieu reprend le chemin du télétravail.
Il s’enfermera donc des heures.
Son unique pause sera le repas.
Et jeudi il ira assurer la permanence au bureau.
Comme tous les jeudis.


On sait désormais que nous resterons confinés 4 semaines de plus.
Honnêtement, on y est préparé depuis des semaines déjà.
Depuis les premiers jours même.
Nous étions convaincus que nous étions partis pour plusieurs mois.
Et pour être totalement honnête avec vous, je suis extrêmement sceptique sur la date de fin que l’on nous annonce.
Je n’y crois même carrément pas.
Je ne veux pas plomber l’ambiance, mais je ne vois pas comment tout cela serait possible sans prendre des risques totalement inconsidérés pour notre santé.


Mais bon, nous verrons bien.
Comme le dis ma copine Pauline, enseignante en maternelle, en 4 semaines il peut s’en passer des choses.
Nous verrons bien!

La journée s’écoule tranquillement.
Le enfants s’endorment comme des souches après le repas.

On se met au travail et il est déjà 17h quand on regarde la pendule.
(On a pas de pendule en réalité hein, on regarde sur la freebox ou su la façade du four, mais pendule ça sonne mieux voyez, et c’est le cas de le dire...!).



Plus la journée avance, plus je suis convaincue d’une chose: si les écoles devaient réellement réouvrir le 11 mai (rien n’est moins sur à mon avis), Marius n’y retournerait pas.
Évidemment c’est simple pour nous de prendre cette décision dès maintenant: je n’ai pas à retourner travailler.
Mon travail de maman et celui liés à mes activités créatives se passe à la maison.
Facile donc de ne pas déroger à mon idée.
Et je sais bien que ce n’est pas le cas de tout le monde.

J’imagine qu’ils préciseront des choses, peut être l’ont il déjà fait.
Mais comme j’écoute le moins possible les infos pour m’éviter les vagues d’angoisse, je ne le sais peut être pas.

Hier, j’ai pris le temps d’assembler la petite robe Deer and Doe Pattern ,issue de leur premier livre Dressed et découpée il y a quelques jours dans un de mes jolis coupons de Liberty.
J’y suis allée sans grande conviction moi qui ne couds pas souvent et qui n’est pas fortiche en finitions...
J’avais peur de ne pas m’en sortir et surtout de gâcher mon beau tissu.


Et bien croyez le ou non! Je ne m’en suis pas trop mal sortie!
J’ai décousu une seule fois (ce qui est une grande victoire pour moi qui n’en fait souvent qu’à ma tête!).
Évidemment, je l’ai faite à ma sauce: j’ai coupé un 40, avec la longueur d’un 42/44 (parce que j’aime pas quand c’est trop court) et je n’ai pas mis l’élastique au niveau de la taille comme indiqué sur le modèle.
Je ne voulais pas marquer mon ventre.
A vrai dire au départ, j’allais le faire, et puis je l’ai essayée sans et j’ai adoré le tombé.

Bref je l’adore et je suis maintenant frustrée de ne pas avoir de tissu pour m’en faire quelques unes...
Mais c’est la vie, que voulez vous.
Je prendrais mon mal en patience (si on peut appeler ça un mal!).

A nouveau, j’ai la cage thoracique qui ses serre.
En réalité, je me suis levée comme ça.
Je n’ai qu’une peur...
Nous sommes seuls ici.
Juste nous 4.
Personne autour de nous qui puisse nous aider.
Et si nous tombions malade tous les deux en même temps?
Cette idée me hante depuis quelques jours...
Comment ferions nous?
Comment prendrions nous soin de nos petits quand on sait combien cette saleté de virus peut te terrasser?
Je préfère essayer de ne pas y penser mais force est de constater que c’est toujours dans un coin de ma tête...

20h
Je sors applaudir, comme tous les soirs, sans exceptions.
Il y a plus de bruit ce soir on dirait.
Le petit garçon en contrebas me fait signe, comme tous les soirs.
Je souri a la dame de l’immeuble en face, celle du dernier étage.
Je les observe, tous, à leurs balcon et j’ai l’impression de les connaître un peu...



Jour 33

Mercredi 15 Avril

Ce matin encore les enfants se lèvent plus tard que d’habitude.
J’en profite pour grappiller du temps de repos...

Le vent souffle fort dehors et la migraine commence à monter...


J’ai oublié de vous raconter qu’hier, vers 17h, juste après la sieste, on a sonné à la porte.
Je vais ouvrir, prudente, nous n’attendons évidemment personne.
Et ce sont nos voisins de droite.
Respectivement 88 et 83 ans je crois.
En peignoirs et pyjamas, qui viennent remercier nos garçons pour les petits chocolats de Pâques déposés deux jours avant à leur porte.
Ils leur tendent deux magazines pour enfants qu’ils ont demandé à leur fils de rapporter du supermarché en même temps que les courses qu’il fait pour eux.
C’est tellement touchant.
Comme notre autre voisine, ils nous disent leur peur et leur stress de voir ce confinement durer.
On leur redit notre présence, si besoin.
On se dit à bientôt en sachant bien que ça ne sera probablement pas de si tôt.

Je me rends compte aujourd’hui que, ce qui me manque aussi énormément, c’est la nature.
Depuis notre balcon, on voit la mer, et c’est déjà beaucoup.
On voit la mer oui...
Mais ce qui me manque ce sont les arbres, l’herbe, les fleurs.
Ce sont les magnolias de notre ancien jardin, les parterres de marguerites et les roses Ronsard contre le mur de pierre, les pieds de lavandes, le cerisier et les pissenlits.
C’est marcher pieds nus dans le jardin et entendre les oiseaux passer.

Après déjeuner, je devrais me mettre a travailler, mais au lieu de ça, je me suis lancé dans le crochetage d’un coquillage.
Je l’ai tellement vu passer ces dernier jours ce nautile joli que j’avais moi aussi envie de m’y mettre.
Je fouille mes placards et j’y trouve une pelote de coton XL abandonnée.
Et je me lance avec entrain.
Arrivée à la moitié, je me rend vite compte que ma pelote s’amenuise et que je ne pourrais probablement pas finir, mais je persiste en espérant mal jauger la quantité.
Mais je ne me suis pas trompée.
Frustration ultime.


Après un pause forcée (levé de sieste, goûter, maman regarde j’ai fait une route, mamaaaaaan pipi, café, mamaaaaaaan?), je vais piocher à nouveau dans mon stock et je recommence.
Je n’ai pas le temps de terminer, on verra ça demain.

Demain...c’est le jour de permanence de Mathieu.
Demain il sortira, comme toutes les semaines.
Il partira pour la journée.


Jour 34

Jeudi 16 Avril

C’est la lumière du jour qui me réveille ce matin.
La lumière qui traverse la fenêtre de notre chambre.
Mathieu est en train de se préparer à partir.
C’est encore silencieux dans la chambre des garçons.

J’ai du mal à ouvrir les yeux.
Ma nuit a été peuplée de cauchemars de fin du monde, j’ai une pointe dans les reins.
J’ai dormi de travers.
J’ai froid.

Quelques secondes après, Mathieu dépose Martin à coté de moi.
Il s’est réveillé en l’entendant partir.
On reste la, tous les deux, collés collés.

Puis les deux pieds par terre et la journée commence.
Une journée sans rien d’extraordinaire.
Une journée avec ses remous et se petits riens.


Après un dessin animé, on sort s’aérer sur le balcon.
Une dispute en entraine une autre et la colère éclate en tonnerre.
Les cris, les larmes, tout arrive dans le désordre.
Je garde mon calme parce que rien ne calmera ce gros fracas.
Pas même mes mots.
Je laisse sa colère sortir, je laisse ses cris retentir, il a besoin que tout sorte, il est assigné à résidence, il n’a que 5 ans.
Voilà plus de trente jour qu’il n’a vu ni herbe ni grain de sable.
Pas même un cailloux.


Mes garçons ont besoin de nature, je le sens.
Jusqu’ici, dans notre vie d’avant, ils marchaient pieds nus dans l’herbe du jardin, ils grattaient la terre à longueur de temps, entassaient des cailloux.
Ils ont besoin de nature, je le sens, ou plutôt je le vois.
Comment?
Ils passent leurs journées à jouer dans les deux pauvre pots de fleurs qui trônent sur notre terrasse.
Ils y entassent leurs voitures ou leurs animaux en plastique, ils grattent pour y trouver des petits cailloux qu’ils trimballent partout (y compris sur le tapis blanc du salon, mais ça c’est une autre histoire...).
Il faudra attendre encore mes jolis mômes, il faudra attendre que dehors soit praticable, moins terrifiant et que l’on puisse retourner marcher pieds nus dans l’herbe en toute sécurité.


Ce soir, à 20h, j’ai la sensation que nous sommes moins nombreux à applaudir.
Le jeune homme d’en face n’est pas sur son balcon, la dame du dessus non plus. Dans l’immeuble d’en face, le nombre d’ « applaudisseurs » est divisé par deux.
Ce n’est pas qu’une impression alors...
Le petit garçon en contrebas me fait signe, il secoue son maracas. Appliqué.









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