Confinés mais ensemble - Chronique d’une période tourmentée #22

Jour 38

Mercredi 22 Avril

Les voix de mes garçons me sortent du sommeil profond.
Je suis seule dans le lit.
Je ne regarde pas l’heure.
J’essaie de localiser leurs jeux au son de leur babil...
J’ai l’impression qu’ils sont encore dans leur chambre.
Je les entends rire, j’entends Marius rassurer son frère et lui raconter des histoires...
Je profite de cet instant suspendu...
Chose qui m’interroge: je n’entends pas la voix de mon époux.
Les enfants seraient ils seuls ET calmes?
Je finis par attraper mon téléphone: il est 9h44

9h44?
Comment est ce possible moi qui n’arrive pas trop à dormir le matin?
Bon il faut dire qu’en ce moment nous regardons souvent 2 films d’affilée le soir, ce qui nous amène à nous coucher très tard.

Mon premier réflexe est de me dire « lève toi vite! Va prendre le relai! »
Et puis je me ravise: tout est calme, inutile de commencer la journée le corps contracté.
Je m’étire de tout mon long, encore allongée.
Chose que je ne fais jamais...
Mes articulations craquent.
Cet étirement me fais du bien.


Je pose les deux pieds au sol, j’enfile lentement un gilet.
Ces dernier jours, la fraîcheur est tombée...
J’enroule mes (très) long cheveux en chignon, doucement...

Les garcons sont dans leur chambre, seuls.
Martin encore dans son petit lit à barreaux et Marius à ses pieds en train de lui raconter de folles aventures.
Ils sont heureux d’être tous les deux.
Je les embrasse tendrement...

Je finis par retrouver mon époux, barricadé dans la pièce principale, déjà en réunion.
Il me fait signe de ne pas faire de bruit.

Il a demandé à Marius de jouer tranquillement et de s’occuper de son frère pour me laisser dormir...
Et c’est une jolie réussite.

Nous déjeunons donc bien tard et nous ne nous habillerons qu’avant le déjeuner.

Sur notre lit, il y a 3 machines à plier...
Je referme la porte...

Dehors l’air est glacé et la pluie continue sa lente descente...
Les garçons sortent un peu pendant que je prépare le repas.
Invariablement ils jouent dans le pot de notre petit olivier...


Je crois que nous allons craquer pour un bac à sable.
J’ai déjà sauvé quelques idées.

Oh oui je sais, ce n’est pas de première nécessité.
Ce n’est pas une urgence.
C’est ce que vous devez penser.

Mais je suis sure qu’ils seraient tellement heureux...
On pèsera le pour et le contre ce soir quand ils seront couchés.
Nous verrons bien.


Aujourd’hui Marius est dispensé de sieste (rapport au fait qu’hier soir il s’est relevé jusqu’à 23h30 pour nous dire dans le désordre: qu’il avait soif, qu’il avait eu une riche idée, que son frère de dormait pas encore, qu’il voulait faire pipi, qu’il avait trop chaud, qu’il avait un problème,...) et je me suis mise en tête de participer avec lui au live de Poulette Magique qui propose aujourd’hui de fabriquer un carnet.
J’ai tout préparé en avance parce que je connais l’énergumène.
Je le motive depuis hier.
Au moment de s’y mettre il traine des pieds.
Il finit par me rejoindre et il accepte de coller quelques petites choses et réalise la couverture.
Pour le reste, il faudra que je termine sans lui...
Je suis toujours déçue quand ça se termine comme ça.
Mais je veux qu’il se sente libre de faire ou non.

L’instant d’après il vient chaparder de l’encre et des morceaux de feuilles et s’emploie à fabriquer des empreintes de tigre avec ses doigts.
Il est appliqué, n’en met pas partout, fait preuve d’imagination...
L’instant d’après je suis si fière de ce petit esprit libre.


Je couds, je brode, plus vite que mon ombre pour terminer ma liste de choses à faire.
J’ai la sensation que le temps s’étire mais passe aussi à une vitesse folle.
Nous vivons une bien étrange période...


Jour 39

Jeudi 23 Avril

8h27, le lit est vide.
C’est le jour de permanence au bureau.
Je l’entends prendre toutes ses précautions pour ne pas nous réveiller.
Mais quelques minutes après avoir été embrasser les garçons, je l’entends revenir.
C’est invariablement le même scénario: Martin s’éveille au son de son père.
Sans surprise donc, les voila tous les deux dans l’ouverture de la porte.
Il est temps pour moi de me lever et de prendre le relai.
Pas d’étirements, pas de prélassage, on verra ça plus tard.
Des petits pas suivent, ils sont debout tous les deux.

Marius boude.
Impossible de savoir pourquoi.


Je n’ai qu’une hâte, boire mon café et mettre une nouveauté sur mon tambour.
Je vais préparer un oiseau à broder.
Caroline et Elena sont en train de préparer un bien joli magazine sur la broderie: Atelier Hoop.
Il devrait sortir en ligne ce samedi.
C‘ est un web magazine, donc, confinement ou pas, vous pourrez vous le procurer dès sa sortie sans sortir de chez vous!
Elles m’ont fait confiance en m’envoyant quelques modèles en avant première, et je n’ai pas résisté longtemps avant de les mettre sur mon tambour.


J’ai commencé par la jeune fille au chapeau et je vais continuer avec l’un de leurs oiseaux colorés...
Mais la tout de suite je n’ai pas réussi à choisir par lequel commencer...!

Depuis ce matin, j’ai des phases de palpitations intenses...
Ça ne dure que quelques secondes, ma tête bourdonne, j’ai la sensation que je vais avoir un malaise et ça s’en va comme c’est venu...
C’est pas le jour putain.
Je suis seule avec les garçons jusque tard dans l’après midi et je suis terrorisée à l’idée que je m’évanouir se.
Ils sont si petits...
 J’explique à Marius la conduite à tenir si jamais il y a un souci...on ne sait jamais.
Mais ça ira pas vrai?

Hier soir, je me suis couchée tard, j’ai terminé le premier roman de Serena Giuliano, Ciao Bella.
C’est ma maman qui l’a acheté pour moi et qui me l’avait fait passer juste avant le confinement avec Mama Maria aussi (prochain sur la liste de lecture de ce confinement).
J’ai dévoré Ciao Bella.
L’écriture est enjouée et rythmée.
Je me suis retrouvée dans bien des traits de l’héroïne, Anna.
Ses angoisses, son rapport à sa grand mère, son attachement profond à ses racines, à son enfance, à ses souvenirs, à ses amies.
J’ai l’impression d’avoir écouté une copine me raconter son histoire.
J’ai l’impression que tout est possible aussi...
Que ma vie à moi aussi peut changer, qu’il suffit de se laisser porter et de bien écouter, s’écouter.

Les palpitations reprennent de plus belle...
Je ne suis pas rassurée.
J’appelle ma soeur, répondeur.
J’appelle ma maman...
 « Dis maman? Comment tu fais toi quand ça t’arrive? »
Elle a un petit rire doux.
Elle me dit que c’est l’angoisse, la sournoise, que plus je vais baliser, plus ca va arriver.
Elle m’interdit de loin la réglisse, le coca et le café. Faut pas exagérer.
On parle de tout et de rien.
55 minutes plus tard je dois raccrocher...
Les enfants s’agitent, ça commence à crier beaucoup trop pour que je puisse les laisser faire.
Nouvelle salve de palpitations.
J’essaie de ne pas m’énerver (facile a dire les gars).
Je fais bouillir de l’eau, à midi, ce sera des pâtes, comme tous les jeudis.
C’est plus simple comme ça.

J’hésite à coucher Marius, il va faire la java ce soir.
Mais tant pis.
Je veux seulement du calme et du silence.
Tout le monde au lit.
Tout le monde s’endort.
Sauf moi.

Mathieu m’a dit: ne fait rien pendant la sieste. Tu fais une pause pour aujourd’hui. Tu veux toujours trop en faire...
Je lui réponds: Tu me connais...

Je brode un peu, j’écris quelques mots ici et là...
Ici pour vous raconter ma vie, sur instagram parce que j’ai envie de poster un petit quelques chose, dans un carnet pour ne pas oublier,...
Je n’ai jamais autant écrit je crois, et ça me fait un bien incroyable.
On me demande souvent si je n’aurais pas envie d’écrire un livre...
Je rougis toujours, je suis gênée même, je ne m’en sens pas vraiment capable...
Et puis je me prends à y penser...
Un jour peut être, un jour moi aussi je tiendrais mon roman entre mes mains...
Un jour peut être oui, j’ose l’espérer...
Depuis quelques jours c’est même devenu un gimmick dans ma tête.
A cause d’Anna peut être...ou des souvenirs qui envahissent mon esprit ces derniers jours...

L’après midi s’étire lentement.
J’ai du courrier et je dois avouer que j’adore ça.
C’était déjà un plaisir avant, mais en ce moment c’est un grande joie.

Je pâtisse des brownies en me disant que je ferais le tour de l’étage pour distribuer quelques morceaux de gourmandises en fin de journée.
Il faut bien que je le reconnaisse, ça me fait du bien d’aller bavarder quelques minutes avec mes voisins.

Les crises de palpitations s’espacent.
Mais je me sens épuisée...


Je vous découvre, sur les réseaux, encore un fois attentives, bienveillantes, riches de conseils, empathiques et je me dis une nouvelle fois que j’ai bien de la chance d’avoir une communauté comme la mienne.

Certe pas vraiment « bancable » en terme de nombre, en tout cas pas assez pour certains, mais tellement présente.
C’est exactement pour les retours que vous me faites, sur les hauts, les bas, ce que je vous propose...que je fais tout ça.
Je tacherai de m’en souvenir la prochaine fois que je me dirais « mais pourquoi partages tout ca? Tout le monde s’en fout... ».
Je m’en souviendrai c’est sur...

La journée se termine avec ma soeur au téléphone.
Elle me connaît par coeur et elle traverse elle aussi ce genre de folies du coeur alors elle me parle, elle m’écoute, elle me conseille et puis on passe à autre chose, on bavarde comme les deux pipelettes que nous sommes (nos compagnons respectifs nous prédisent souvent une vieillesse commune à bavarder sans cesse sur un petit banc...et ça nous convient très bien parce qu’on sait que l’on aura toujours des choses à se dire, toujours).

Les enfants s’agitent autour de moi et réclame de voir leurs cousins.
On fait un appel visio, c’est la seule solution.
La connexion n’est pas très bonne dans la campagne de ma soeur mais on finit par y arriver.
Ils sautent dans tous les sens, répètent « coucou » sans cesse, crient de joie,...
Nous les adultes on les regarde faire avec un sourire béat...
On se dit aussi que le jour ou l’on pourra enfin se retrouver, il faudra qu’on prévoit de quoi tenir la route parce qu’ils vont être au comble de la joie et de l’excitation qui va avec...
On se plaindra du bruit mais on continuera très probablement à les regarder en souriant...

Seul Marius reste un peu de coté, comme souvent, il ne veut pas parler, il garde la tête baissée...
Au moment de se dire au revoir, il demande à le dire lui aussi.

Et quelques minutes après il nous explique qu’il est bien triste de ne pas pouvoir aller chez ses cousins tout de suite. Il a le coeur en miettes et moi aussi...


Jour 40

Vendredi 24 Avril

Est ce que je viens vraiment d’écrire jour 40?
Il faut croire que oui...!
Une quarantaine, une vraie, c’est assez fou quand on y pense.
Je n’aurais jamais pu imaginer vivre ça.
Comme beaucoup d’entre nous cela dit...
 
Aujourd’hui mes voisines sont venues à tour de rôle nous ramener les assiettes dans lesquelles je leur avais apporté du gâteau du gâteau au chocolat hier.
Ça me fait plaisir de discuter un peu sur le pas de la porte avec ces femmes qu’il y a quelques semaines je ne connaissais pas.
Les discutions se terminent invariablement par un « n’hésitez pas surtout, on est là » réciproque.
Elles ne sont pas ma famille, ni mes amies, mais elles sont là et moi aussi.
Des décennies nous séparent, deux ont l’âge qu’aurait à peu près ma grand mère, la dernière pourrait être ma mère.
Mais peut importe, nous prenons un plaisir non dissimulé à ces bavardages rapides.
Comme une fenêtre de liberté dans le confinement de nos appartements.
C’est rassurant de se savoir entourés par des gens sur lesquels on peut mettre un visage.
En tout cas, moi, ça me rassure.

Mon coeur a décidé d’arrêter de faire des folies aujourd’hui et c’est tant mieux.

Je reçois un colis de matériel pour broder et c’est comme si c’était noël.
Je déballe de belles couleurs et ça suffit à me mettre en joie.


On installe aussi notre population d’abeilles maçonnes fraîchement reçue dans notre BeeHome et bientôt nous pourrons les observer à loisir.
Marius est surexcité à l’idée « d’élever des abeilles ».
C’est un formidable cadeau que nous avons reçu et on a vraiment tous hâte de voir naître nos abeilles.

J’essaie d’avancer sur mes projets cet après midi mais c’est sans compter sur le fait que Marius n’ait pas envie de se reposer et qu’il soit dans mes pattes.
Je lui fais promettre de jouer tranquillement et c’est ce qu’il fait mais il à quelque chose de super important à me dire environ toutes les 10 minutes.
C’est donc assez compliqué d’avancer efficacement de cette façon...
Tant pis, on verra plus tard...

Au moment où je dépose quelque mots ici, il est 19h29 exactement et nous venons d’écouter 6 fois d’affilée « La marche des éléphants » de Dumbo (vous savez quand il voit des éléphants roses là...), le salon est sans dessus dessous (et c’est peu de le dire), Marius essaie d’escalader le poteau central de la pièce avec un plaid en guise de cape, il y a du masking tape collé sur le carrelage « pour faire des passages piétons maman », la table basse est dans la cuisine, Martin s’amuse avec la sirène du camion de pompier et mon époux lance le repas.


J’ai l’impression que ma tête va exploser et en même temps je me répète mentalement que tout ce bazar n’a absolument aucune espèce d’importance.

Mes enfants jouent, le repas sera bientôt prêt et ce soir c’est séance ciné en famille alors...





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