Confinés mais ensemble - Chronique d’une période tourmentée #14

Jour 20

Jeudi 2 Avril

Aujourd’hui je suis confinée seule avec mes garçons.

Les responsabilités de mon époux le font retourner au bureau pour deux jours. Aujourd’hui et demain.
Chacun son tour ils ont dit...

J’angoisse...
Tout en sachant que leurs bureaux ont été désinfectés totalement il y a déjà deux semaines et qu’ils ne seront que 6 sur le site, et que chacun a son espace bien éloigné des autres.
Mais c’est plus fort que moi...

La peur, mon ennemie, n’est jamais loin.

Je me lève fatiguée, mais mon corps est moins douloureux.
Ca me soulage un peu.

J’appréhende cette journée, seule avec mes garçons qui n’ont pas pu aller se dépenser depuis presque 3 semaines.

Mais on dirait que la douceur sera le maître mot du jour.

Il faut dire aussi que j’ai annulé la session « école à la maison » du jour et que ça a réjouit tout le monde.

J’ai pu broder tranquillement pour le Happy Blue Day et pour inonder les réseaux de cœurs bleus à l’appel de l’association Ninoo, qui œuvre toute l’année pour les enfants autistes et leurs familles.


La journée s’est bien déroulée parce qu’il faut bien l’avouer, j’ai dit oui à tout.
Oui aux dessins animés, oui au rapatriement des playmobils dans le salon, oui à l’étalage de législation sur le balcon.
Résultat, quand monsieur papa est rentré du travail, l’appartement ne ressemblait plus à rien.
Un vrai capharnaüm.

18h, ma poitrine se serre...
Je n’arrive pas a savoir si c’est l’angoisse ou si c’est autre chose.
Ca serre fort, et puis tout a coup on dirait qu’on m’écrase le torse.
Je bois un verre d’eau, je tente de respirer fort.
Je vais m’allonger pour reprendre mes esprits.
Je brode beaucoup en ce moment, peut être que c’est aussi ma position qui n’est pas bonne et qui me courbature.
Ou peut être pas.
Mais en tout cas, je n’ai pas de fièvre, pas d’autres symptômes, ce qui me rassure vraiment.

En ce moment, j’ai tout le temps froid, alors, j’enfile mes robes dans lesquelles je suis à l’aise et je m’enveloppe dans des châles.
Je faisais déjà ça enfant, avec un châle rouge bordeaux crocheté d’ailleurs il me semble.
Je ne sais plus s’il était à ma grand mère ou à ma mère.
Mais elles nous l’avait abandonné pour agrémenter nos jeux et notre imaginaire.
Et quand je devenais Laura ou Caroline et que l’on imaginait notre maison dans la prairie sous le cerisier, il était toujours question de châle.
J’adorais l’allure que ça me donnait.
Mi femme de pionnier, mi bohémienne.
Bohémienne, on m’appelait comme ça aussi.
Ma grand tante surtout quand j’arpentais les forêts des landes nus pieds.
Ce châle de mon enfance à disparu je crois, à mon grand regret.

Un châle, c’est aussi ce que j’ai demandé à ma maman de me tricoter pour notre mariage, au cas ou il fasse froid, je voulais pouvoir couvrir mes épaules. Il est rouge et il est tellement doux.
Ce jour là, et les deux jours qui ont suivi, il a fait une chaleur extraordinaire pour un 7 juin.
Pas besoin de châle, mais il m’est tellement précieux.


Jour 21

Vendredi 3 Avril

Ce matin encore, mon époux prend le chemin du bureau.
Il sera de retour pour midi, c’est promis.

Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de ma filleule, ma presque fille.
Ma douce jolie.

Hier soir nous lui avons écrit une lettre, chacun notre tour, que nous avons envoyé par mail. Nos lettres ont été imprimées et glissé dans de jolies enveloppes par sa maman. Ainsi, nous étions un peu avec elle.

J’ai à nouveau brodé toute la matinée.
J’ai sorti de mes étagère sa photo imprimée sur du tissu il y a bien longtemps.
Elle dormait là en attendant que je me décide à la broder.
(Je vous dit tout sur les photos brodées dans l’article d’hier)


Chaque point étaient une pensée pour elle.
Chaque fleur un bonheur que je lui souhaite.

Bien sûr, j’ai le coeur en miette de ne pas être auprès d’elle, auprès d’eux.
Bien sûr j’ai les larmes aux yeux quand on fait des tests d’appel en visio pour pouvoir assister aux 10 bougies soufflées.
Bien sûr, quand on y parvient enfin, les mômes sont tellement excités (surtout chez moi) qu’il font un bruit assourdissant et sautent partout.
C’est difficile d’entendre à quel moment chanter la chanson mais on finit par y arriver.
On assiste aussi à l’ouverture des cadeaux qui n’étaient pas prévus.

Parce que son vrai cadeau, le cadeau commun que nous devions lui offrir aujourd’hui, c’est un voyage à Londres, sur les traces d’Harry Potter.

Ce n’est que partie remise, c’est certain.
Et j’ai déjà hâte d’y être.
Après tout ça, juste après...

On va en avoir du temps et des choses à rattraper.

La maîtresse de Marius a refait surface et elle change d’angle: nous allons devoir faire « travailler » les enfants avec les fiches qu’ils devraient faire en classe. Son argument: le confinement va durer, il ne s’agirait pas de se relâcher.

Il faut donc s’y mettre pour de vrai.
Heureusement que j’ai donné un petit rythme d’activités matinales qui ressemblent un peu à un temps d’école, ce sera moins compliqué de motiver Marius peut être...
J’espère juste qu’elle ne va pas nous inonder de travail...

Pour aujourd’hui, deux fiches: du quadrillage à la règle et les jours de la semaine à reconnaître.
C’est sans compter sur la non motivation de Marius qui s’invite au bureau.

Il n’est qu’en moyenne section, nous ne vivons donc pas de temps d’ « école à la maison » trop compliqué et j’imagine bien la difficulté que ça peut être avec des enfants plus grands, mais c’est super intéressant d’observer son rapport au « travail », que je soupçonnait déjà...
La peur de ne pas réussir quand ça lui semble trop difficile, la constante demande d’être aidé, le besoin d’encouragements,...
Oui je sais, je ne suis pas sa maîtresse et c’est certainement un tantinet différent en classe mais ce qui ressort de nos temps d’activité ressemble quand même pas mal aux retours que l’on avait de son ancienne maîtresse...
Bref, j’essai de rester calme et de prendre le temps de l’observer pour trouver la bonne méthode pour lui transmettre un peu de savoir...

18h, l’heure bleue pour les tout petits, l’heure de la cage thoracique qui se serre pour moi.
La pointe dans le dos revient, je respire correctement mais j’ai le corps douloureux.
La fièvre n’est toujours pas là et je me rassure en me disant que le reste du temps tout va bien.
J’ai tellement peur que j’en suis presque réduite à guetter le moindre agravement.
Mais je ne montre rien.
Je vais danser sur le balcon, je fais courir les garçons, je ri aux éclats avec eux parce qu’il n’y a que comme ça que la vie reprends le pas.

20h.
Au delà des applaudissements pour les soignants, les caissières, les facteurs, les livreurs, les éboueurs et tous ceux qui continuent, c’est devenu le rendez vous du quartier.
On sort, on se regarde, on se sourit, s’est encore timide, sauf avec le petit garçon en contre bas qui tous les soirs agite sans petite main vers nous.

J’ai l’impression qu’il y a moins de monde sur les balcons.
Le monsieur à la lumière n’est pas dehors, les dames qui nous ont crié “courage” il y a quelques jours non plus,...
Je me prends à espérer qu’ils aillent bien.
Le jeune homme en face, lui, est toujours motivé.
J’ai l’impression qu’il fait le compte lui aussi.

Les enfants couchés, on prend un verre sur la terrasse. Juste tous les deux.
On appelle la famille.
On apprend que l’une de nos proches est touchée.
On prend de ses nouvelles et on lui souhaite d’aller mieux.

On se parle d’après, de ce qu’on fera, de notre grand rêve de tout envoyer valser pour aller jouer aux manouches sur les routes.

Et on se prend à rêver...


Jour 22

Samedi 4 avril

C’est le week end!
Ce qui signifie que mon époux ne sera pas enfermé dans la chambre d’amie pour télétravailler!

C’est en revanche quand même moi qui suis tirée du lit par un Marius déjà en forme et c’est donc l’homme de la maison qui bénéficie de la grasse mat...
(Note à moi même: je n’aurais pas du choisir de dormir coté porte...mais en même temps c’est ma place d’habitude alors...
Note à moi même 2: la prochaine fois, penser à marmonner à l’enfant de faire le tour du lit pour s’adresser à son père...).

Je me lève avec une idée en tête: nous allons faire un banderole aujourd’hui. Pour dire à nos voisins que ca va bien aller.
Aussi pour envoyer une jolie photo d’espoir à nos proches ce soir.

Le morceaux de tissu est prêt depuis des jours, il traine sur une chaise en attendant que l’on se décide.

J’installe un atelier peinture sur la terrasse et on se lance.

C’est moi qui en ait fait le plus gros mais chacun est venu participer à un moment donné.
Mathieu et Martin ont peint le rouge de l’arc en ciel.
Marius le mot « aller » et le rouge, le vert, le bleu et le rose entrecoupé de pauses.

Maintenant, il faut juste trouver où l’accrocher.
Quels voisins vont bénéficier de notre œuvre familiale.
Notre balcon géant est en pointe et il donne donc de deux côtés.
Je n’arrive pas à me décider...
Je crois qu’il va falloir en faire une seconde mais on à quasiment plus de peinture...
Je vais trouver...
Pas là tout de suite, mais je vais trouver...


La journée s’étire lentement, sans trop de heurts ni d’agacement...
J’ai même le temps de préparer des petites bricoles pour de futurs DIY brodés.

Le soleil, encore timide est pâle, brille aujourd’hui.

Il est 19h et ma poitrine ne se serre pas...
Il y a des playmobils partout dans la cuisine, Martin danse sur le balcon, Marius invente des aventures extraordinaire,...
Ce soir on organise un petit grignotage/apéro dehors.
Les enfants sont heureux, et nous, nous nous laissons porter...


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