Confinés mais ensemble - Chronique d’une période tourmentée #28

Jour 53

Jeudi 7 Mai

C’est la journée solo.
Mathieu reprends le chemin du bureau, comme toutes les semaines.

Je dois avouer, étonnamment, que j’appréhende la fin de ce confinement.
Je me suis habituée à avoir tout mon petit monde autour de moi H 24.
Et, même s’il y a des tas de choses que j’ai hâte de pourvoir re vivre, je n’ai pas hâte de laisser notre cocon(finé) s’ouvrir à nouveau.

L’ambivalence encore.
Déroutante et épuisante pour l’esprit.


Aujourd’hui donc, je suis seule avec mes garçons.
Vous le savez peut être mais, j’ai travaillé auprès des enfants pendant plus de 15 ans.
Alors parfois, certains s’interrogent: elle est capable de gérer sans stress et sans élever la voix des groupes de mômes par paquets de 30, mais elle a parfois du mal à se dépatouiller des deux siens?
Cherchez l’erreur...

Et bien non, il n’y a pas d’erreur.
J’ai les clefs et la facilité pour m’occuper des enfants des autres.
Justement parce que ce ne sont pas les miens.
Et je dois dire, sans vouloir me venter, que je suis vraiment douée pour ça.
C’est un métier, certes épuisant, que j’ai exercé avec passion et beaucoup de plaisir.

En revanche, s’agissant des miens et bien je suis parfois désemparée.
C’est d’ailleurs l’une des choses que j’ai eu énormément de mal à vivre quand je suis devenue maman la première fois.
Je ne comprenais pas comment j’arrivais au quotidien à géré une structure qui accueillait des enfants de maternelle et comment, une fois à la maison avec mon petit, je perdais rapidement mon calme.

J’étais tellement convaincue que devenir maman allait être naturel et que ma connaissance des enfants allait me faciliter la tâche que j’ai pris une véritable claque, très violente, quand Marius a commencé à grandir.

Depuis, je m’applique à démystifier la maternité « instinctive » autour de moi. J’ai commencé auprès des copines qui sont devenues mamans après moi, et j’en parle ici ou là aussi quelques fois.
Je n’ai pas eu de révélation.
J’ai appris et j’ai grandit avec mes garçons.
Être maman ne tombe pas du ciel, comme la grâce, avec des chœurs d’anges chantant et des paillettes.
Être maman c’est un travail de tous les jours.
Une découverte de soi extrême.
Un expérience bouleversante.
Il m’a fallut du temps pour l’accepter.
J’ai souvent été extrêmement triste durant les mois qui ont suivit l’arrivée au monde de mon premier bébé.
Et c’est normal.
Il suffit juste de le savoir...

Je me suis égarée, encore...

Seule avec mes garçons donc, avec une liste de choses à faire relativement longue.

Je décide donc de lâcher prise.
Les playmobils s'étalent dedans et dehors en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
C’est le bordel dans l’appartement.
Ils ont le droit de regarder Vaiana et Pocahontas dans la matinée.
Et pour le déjeuner ce sera nouilles au beurre, comté rapé et ketchup.

Et c’est quand j’envoie un message à ma copine Magalie vers 12h30 en lui disant qu’ils en sont à leur second Disney déjà et que c’est pas bien mais que ce sera comme ça, et qu’elle me déculpabilise dans la seconde que j’ai une révélation.

Quand je suis seule avec eux, j’ai tendance à reproduire l’enfance que j’ai connue finalement et qui a été tellement heureuse.
Avec ma soeur, on ne se nourrissait quasi exclusivement que de pâtes, de fromage râpé et de ketchup et c’était pas grave.
On regardait parfois 2 dessins animé dans la matinée et...c’était pas grave.
On jouait en sortant la quasi totalité de nos placards et...beh c’était pas grave.
On ne faisait pas 15 activités manuelles dans la journée et...c’était pas grave.

C’était pas grave parce qu’on se fabriquait des souvenirs et que nous étions libres de le faire.
C’était pas grave parce que nous allions aussi jouer dehors pendant des heures, libres de nous inventer des aventures. Libres de sortir les déguisements, les couvertures, les bicyclettes et tout ce qui nous passait par la tête.
C’était pas grave parce que nos quelques après midi à fabriquer des sujets en plâtre reste gravées dans ma mémoire.
C’était pas grave parce qu’on aimait aussi aller chaparder des prunes et des cerises dans le verger.
C’était pas grave parce que nous étions en sécurité.
Parce que nous étions entourées de tout l’amour que les 4 adultes sous notre toit pouvaient nous donner.

C’était pas grave.

Alors aujourd’hui, je prends une décision: ce n’est pas grave.
Pas grave du tout.
Et je lâche prise.

Et je dis merci à ma copine Magalie de m’y avoir aidée avec un message tout bête, tout simple.
Elle a fait émerger tout ça.

Ma copine Magalie, elle passe souvent par ici.
Elle est là, jamais loin de moi depuis plus de 10 ans maintenant.
(Non mais tu te rends compte??)
Ma copine Magalie, au départ c’était une collègue de travail.
Animatrices toutes les deux.
Qu’est ce qu’on a pu rire...
Puis c’est devenue ma copine et mon amie chère.
Je lui dois beaucoup.
Et, quoique la vie nous réserve dans son tourbillon, je ne peux pas oublier.

Elle tend la main Magalie, elle est comme ça.
J’ai partagé un minuscule studio avec elle pendant des mois parce que je n’avais nulle part ou aller.
Elle n’a pas hésité.
« Prends quelques affaires et viens, tu restes le temps que tu veux »
J’ai débarqué chez elle avec un sac fait à la va vite.
On a partagé un clic clac, on a mangé des pistaches et des lardons crus en guise de dîner plus d’une fois, on était maigres comme des clous pourtant.
On sortait du jeudi au dimanche inclu.
Je me suis enfermée dans la minuscule salle de bain pour elle (elle se souviendra du pourquoi...).
On a publié des statuts Facebook à la noix, on a écouté Céline Dion, Véronique Sanson et les Poppys en boucle.
On a dansé sur les tables et regardé des vieilles séries sous le même plaid.
On a réussi a rater des pâtes.
On a poireauté des heures à la laverie et traversé le boulevard en pyjama.
Elle m’a amené manger des encornets farcis chez ses parents quand j’allais pas fort (je déteste les encornets) et ce jour là j’ai attrapé deux des plus gros fous rires de ma vie.
Et je crois que je pourrais lui chanter le « Tourbillon de la vie » la tout de suite parce que c’est à cette chanson que je pense quand je pense à elle.

Parce que on s’est parfois perdues de vue, mais on s’est toujours retrouvées.
Parce que je la trouve courageuse, belle et incroyablement forte.
Parce que ce confinement nous aura rapprochées encore plus malgré la distance.
Et parce que je n’arriverai jamais à lui dire ça dans les yeux, parce qu’on préfère dire des bêtises ou balancer des répliques de film plutôt que de se dire des mots d’amour, je le dépose ici.
Parce que je sais qu’elle le lira.

Je me suis égarée, encore.
Mais je suis heureuse de ces balades que me fait faire mon cerveau bordélique...

Les garçons me font un beau cadeau: ils s’endorment tous les deux après manger!
Joie!
Je vais pouvoir avancer sur mes projets créatifs!
Et dieu sait qu’ils sont nombreux en ce moment.

D’ailleurs, comme le dit si justement Julie Adore, la créativité se cultive et se démultiplie.
Ici, ça se vérifie... et ce n’est pas de tout repos.


Je prépare le challenge créatif que je vais vous proposer demain (c’est par ici que ca se passe!) et j’avance le reste assez efficacement.

Ils se lèvent reposés et la journée se termine sans trop de remous.
Et ça fait tellement de bien.

Jour 54

Vendredi 8 Mai

Jour férié dont nous ne pourrons pas profiter comme nous l’aurions fait si tout avait été normal, mais on en profite pour ralentir le rythme.
Prendre le temps de passer du temps ensemble vraiment (sans faire autre chose en même temps je veux dire).


Ce matin, je dégaine les billes d’eau que j’ai laissées gonfler cette nuit.
J’installe un petit coin « jeu d’eau » pour les garçons et je les regarde s’amuser.
Je suis fascinée par ces billes et eux aussi.


Les couleurs sont super jolies et ces petites choses sont très photogéniques.
Tandis que Marius s’amuse au « restaurant », Martin patouille et transvase.
Ils ne boudent pas leur plaisir.
(Vous pourrez trouver les billes en question ici).


Dehors il fait chaud et c’est super agréable.
On sent que l’été pointe le bout de son nez.
Pour tout vous dire, je ne suis véritablement pas pressée parce qu’ici les chaleurs sont assez fortes et je n’ai jamais autant souffert de ce que quand nous vivions ici il y a 8 ans.
Mais je mise sur l’ombre de l’immense immeuble voisin et le courant d’air venant de la mer toute proche pour atténuer la chape de plomb que ça peut être.

Grande nouvelle: notre van devrait être prêt d’ici un mois.
Il deviendra notre seul et unique véhicule et on espère pouvoir en profiter en toute sécurité, même si nous devons rester dans une rayon de 100 km.
J’ai vraiment hâte de tester cette façon de se déplacer et de voyager toute nouvelle.

Avant le confinement, nous avions imaginé partir cet été re découvrir l’Italie, ou retrouver le Portugal.
Il faudra revoir nos plans mais la région est belle...

Nous sommes en train de lui chercher un nom d’ailleurs et nous partagerons avec joie nos aventures nomades avec vous.


Après déjeuner, juste avant la sieste, nous avons eu droit à ce que j’appelle un moment de grâce, un moment bonheur, tout simple.

Depuis quelques jours, je fais dire à Martin « Papayou ».
Et il le répète avec délice.
Ne me demandez pas pourquoi « papayou », je n’en sais strictement rien, c’est venu comme ça.

Et donc, je me suis dit que j’allais leur faire écouter la chanson de Carlos.
Parce que bon, avouons le, Carlos, malgré les paroles à double sens, c’est toute notre enfance pas vrai?
On comprenait pas le double sens ni les allusions mais qu’est-ce que ça nous a fait danser.
Non?
Y’a que moi?


J’ai donc lancé « Papayou » alors que nous étions dans notre chambre.
Les garçons se sont mis à rire aux éclats et à danser, debout sur notre lit.
Et au lieu de me laisser dominer par la peur de les voir chuter, je les ai laissé vivre ce moment suspendu (avec Carlos en bande son, oui ok) et j’ai souri, puis ri avec eux.
J’ai appelé Mathieu et lui aussi a souri avec ses yeux.
Et puis je les ai observés.
Et je les ai vu faire ce que je faisais avant eux: danser en se regardant dans le miroir rond de la coiffeuse de maman.
Et vous savez bien ce qui m’a sauté au visage pas vrai?
Mon enfance évidemment.
Les lambadas pendant des heures avec ma soeur et nos jupes qui tournent.
Nos reflets heureux dans le miroir rond de la coiffeuse de maman...




Ce soir nous sommes partis en balade, jusqu’au quai Marcel Pagnol, dans notre rayon d’1km.
A l’heure où les gens rentrent chez eux pour dîner.
A l’heure où le soleil amorce sa grande descente.
On va la bas parce que l’on sait que nous serons probablement seuls.
C’est pas toujours très propre et les chats errants nous observent de loin.
Mais on y croise peu de monde.
Surtout à cette heure là.


Marius apprend à y escalader les rochers de la jetée, guidé par son père, tellement fier de lui transmettre ça.
Ils s’assoient tous les deux dans le soleil couchant pour regarder passer la navette qui rentre des îles du Frioul.
Ce soir, le « chauffeur » du bateau a fait un signe de la main.



Il faisait bon et la lumière était douce.
On était ensemble et c’était tout ce qui comptait...



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