Confinés mais ensemble - Chronique d’une période tourmentée #8

Jour 10

Lundi 23 Mars

Je me réveille avec une seule obsession.
Trouver un dentiste.
Je suis terrorisée à l’idée de me rendre dans un cabinet, de tomber sur quelqu’un de peu consciencieux avec les mesures d’hygiène, mais je ne tiens plus.
Ma dent cassée s’est transformée en lame de rasoir.
Ma langue est meurtrie.
Depuis hier, je ne peux plus manger, même déglutir est devenu une torture.


Les cabinets dentaires sont tous fermés à cause de l’épidémie.
Je trouve le numéro qui me dira quels dentistes volontaires continuent à assurer des permanences.
J’appelle le premier, à quelques kilomètre de chez moi.
Il ne prend pas les appels mais assure rappeler rapidement.

Je laisse un message et, n’y croyant pas, je cherche à joindre d’autres dentistes de garde...
Mais quelques minutes après seulement, mon téléphone sonne.
C’est lui, mon sauveur.

Il est gentil, comprends tout de suite ce que je lui explique (la métaphore de la lame de rasoir, c’est lui), il me dit que ça ne prendra que quelque minutes. Il me dit de venir tout de suite. Il me dit que pour respecter les règles du confinement, j’attendrai mon tour à l’extérieur. Les patients ne se croiseront pas. Il désinfectera tout avant que je rentre.
« n’oubliez pas de prendre votre autorisation de circuler »
C’est tellement irréel.

Je descend à notre voiture.
Je suis prudente.
J’essai de ne toucher à rien avec mes mains.
De ne pas me toucher le visage (habitude inconsciente si difficile à perdre).

Les rues sont presque désertes.
Je m’attendais à être contrôlée, il n’en est rien.
Je croise quand même beaucoup de joggers, de cyclistes et de marcheurs sur la corniche.
Les distances sont respectées on dirait.

Le dentiste me reçoit assez rapidement.
Il est extrêmement prudent.
Je suis rassurée.
Il doit avoir mon âge.
C’est assez difficile à dire parce que je n’aurais vu que ses yeux.
Il porte une blouse jusqu’au chevilles, un masque chirurgicale, un calot et par dessus tout ca un masque en plastique.
Il désinfecte tout ce qu’il est amené à toucher au moyen de lingettes, carte vitale comprise et terminal carte bleue compris.
Il désinfecte le siège.

Toutes ces précautions me rassurent et me terrorisent à la fois.
On en est là...

Je rentre vite, la dent limée, notre futur dentiste « adopté » et soulagée de retrouver mon cocon.
On s’y fait voyez.

Je vais écrire quelque chose qui vous paraîtra peut être absurde ou incompréhensible.
Je crois que ce confinement, outre les angoisses et les incertitudes qui m’assaillent, me fais du bien.

Alors entendons nous bien, chaque jour nous apporte son lot d’énervement, de fatigue, de doutes; mais nous sommes tous les 4 ensemble.
Je suis rassurée de savoir mon époux dans la pièce d’à côté.
Je ne me sens plus isolée. Comme un sentiment de plénitude.
Quel paradoxe.


La journée se poursuit avec ce qui devient notre routine: les petites activités, les dessins, les jeux, la sieste, le bain.
 
Aujourd’hui, j’ai aussi été confrontée à la méchanceté et la hargne de certains.
Ces temps difficiles font ressortir énormément de beau mais exacerbent aussi l’extrême opposé.
Cette personne ne s’en est pas prise à moi. Je n’étais pas la cible.
Mais je n’ai pas pu m’empêcher d’intervenir, sans agressivité, en étant simplement plus intelligente (et c’était pas bien compliqué).
J’ai finis par la faire arrêter mais je suis comme souvent totalement effarée de tant de méchanceté gratuite.
Toujours révoltée...


Je sors applaudir à 20h, les enfants le suivent.

Au dernier étage de l’immeuble d’en face, une torche s’allume et nous fait signe, puis deux, trois, quatre, dix...
En plus du bruit pour les soignants et tous ceux qui partent travailler tous les matins pour nous permettre de continuer à vivre à peu près normalement, les voisins se font signe.
Confinés mais ensemble.

Ce soir c’est soirée pizza / dessin animés.
On lâche prise et il n’est pas question que l’on culpabilise.


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