Confinés mais ensemble - Chronique d’une période tourmentée #13

Jour 18

Mardi 31 Mars


Premier jour de ciel gris, et premier jour de règles aussi.

(Ah oui, petite parenthèse, ici on appelle un chat un chat, et donc les règles, ben c’est les règles. Avant, je disais « ragnagna » ou mes « trucs » ou encore « c’est la mauvaise période du mois ». Et puis il y a quelques années, 2 ou 3 peut être, je me suis demandée pourquoi j’utilisais tout plein de therme comme pour atténuer ce que c’était. Je me suis demandé pour qui je faisais ça. Et je me suis surtout rendue compte que c’était pour « préserver » l’auditoire de quelque chose supposé « dégueu ». Et alors j’ai été frappée par la grâce: c’était terminé.
Je ne préserverai plus personne de ce que moi je subis tous les mois.
C’est moi qui devrait être préservée.
Moi à qui l’on devrait prêter plus d’attention dans ces moment là, de moi que l’on devrait prendre soin.
Et tout ça s’est encore plus exacerbé quand, un jour, alors que je parlais de syndrome pré menstruel avec une femme de mon âge dans une cuisine, elle m’a fait taire parce qu’un des hommes présents dans la maison traversait la pièce. Elle m’a dit « chuuuut attend attend, c’est dégueulasse quand même » et à ce moment là je me suis demandée si je n’avais pas fait un bond dans le temps, si nous étions bien au 21ème siècle, et si elle pensait vraiment que cet homme là, marié depuis des dizaines d’année, ignorait complètement que nous avions nos règles tous les mois. J’ai bien entendu poursuivi ma conversation sans baisser d’un ton, mais j’ai bien vu qu’elle était gênée. Et pourtant, j’étais juste en train de parler de symptômes et de fatigue extrême.
Je me suis dit que le chemin était encore long et que, même si je le savais déjà, j’en avais une fois encore la preuve.
Et je me suis promise, encore plus fort, d’élever mes garçons en pleine conscience de cette « particularité de femme » pour qu’une fois grands, ils soient prévenants et compréhensifs.
J’en parle très librement à la maison et mes chevelus (adultes et enfants) sont au petits soin quand j’ai mes règles. Et putain ça fait du bien!)

Premier jour de règles en confinement donc.
Rien de bien extraordinaire, juste la fatigue extrême qui s’invite.
L’envie de dormir tout le temps.
Le corps lourd, le ventre douloureux.


La session « école à la maison » est un vrai défi aujourd’hui.
Marius est de moins en moins enclin à se poser et se concentrer.
Il a plus que jamais besoin de bouger, c’est électrique.
Nous n’avons plus de nouvelles de la maîtresse non plus d’ailleurs.
On fait ce qu’on peut/veut depuis le départ mais là, même un peu c’est compliqué.

Martin baragouine de plus en plus, il est toujours tout sourire et plein de câlins à distribuer.

Notre couloir d’entrée est définitivement devenu une salle de jeu permanente.
C’est pas un problème me direz vous puisque personne n’entre et ne sort ces temps ci.

Marius parle de plus en plus de « la maladie ».
On explique, on vulgarise pour qu’il digère le mieux possible.

20h, je sors à la rencontre de mes voisins.
Les garçons suivent moins, mais moi, je ne raterai ca pour rien au monde.
Parce que, même si ce soir il fait frais, c’est de la chaleur humaine que je ressens.


J’ai une pointe dans le dos ce soir qui me gène quand je respire.
Ca doit être la fatigue...
Je sombre...

Jour 19

Mercredi 1er Avril

Journée des blagues et des poissons.


J’ai du mal à sortir du lit.
Je voudrais dormir encore.

Mais mon mari doit se mettre au travail et les garçons sont levés.
Marius vient me chercher.
« Vient maman, je t’aide à te lever »
Ses petites mains attrapent les mine et il fait mine de me soulever...
J’adore quand il prends soin de moi comme ça.

Parfois, quand je le porte, je lui demande si quand il sera un homme il me portera à son tour.
Ça l’étonne toujours beaucoup!


Ce matin, après quelques petits « exercice », on passe à l’activité manuelle en famille, et on fabrique de jolis poissons.
Martin est partant.
Marius ne veut plus rien entendre.
Il faudra l’intervention de monsieur papa, qui fera une petite pause dans son travail pour fabriquer le poisson avec nous, pour que mon grand accepte de s’asseoir avec nous.
C’est de plus en plus difficile de le faire participer.
Je sens que je perds son attention ces derniers jours.
C’est de plus en plus difficile pour lui.
Il ne l’exprime pas avec des mots, mais je ne vois que ça.


A midi, je suis tellement au bout du bout que c’est reste de quiche, chips et yaourt aux fruits.
Ouais, je joue pas à Cyril Lignac tous les jours dans ma cuisine.

Aujourd’hui, j’avais prévu d’avancer sur mon projet fou.
D’avancer plus on dira.
Je n’avais pas prévu de vous proposer un nouveau dessin à broder, mais la tentation a été trop forte.
Beaucoup trop forte.

Je me suis mise à dessiner et à broder, juste après manger...


Ceux qui suivent l’ont déjà vu, mais si vous voulez broder un poisson donc, c’est par ici.

J’ai de plus en plus mal au dos, et j’ai l’impression d’avoir un poids sur la poitrine.
Sensation étrange.
Je vérifie ma température, juste au cas ou.
Je n’ai pas de fièvre.
J’espère que ce n’est que le résultat d’une mauvaise position.
Ou de la peur peut être.
Que ce ne sont que des petits maux de tous les jours qui passeront vite.


Demain et vendredi, mon mari doit retourner au bureau.
C’est son tour d’être présent.
C’est l’enfer dans ma tête.
J’angoisse et ça me fait peur pour l’après.
Suis je en train de m’habituer confortablement à tout ça?
A l’avoir dans la pièce à côté...
En sécurité...
Très probablement...
J’y penserai plus tard...

 Après la sieste, on file prendre l’air sur le balcon.
Il fait froid mais le soleil brille.
Je regarde mes chevelus jouer avec leur père.
Je bois doucement mon café chaud en tentant de me détendre.

Mais c’est sans compter sur mon cerveau qui me rappelle que je dois encore ramasser le linge, étendre une machine, en lancer une autre et passer un coup de serpillère parce qu’on a un peu laissé s’accumuler pour ne rien vous cacher.

20h, l’heure des applaudissements.
Ce soir il y a moins de bruit, moins de voisins aux fenêtres.
Mais c’est sans compter sur le jeune homme d’en face, confiné avec ses parents on dirait, qui donne de la voix pour faire sortir tout le monde.
Quelques minutes après c’est la cacophonie joyeuse habituelle.
La future maman au maracas vert est là, ses voisins de droite sortent aussi cymbales et tambourin à la mains.
Ca dure plus de 10 minutes ce soir.
Et quand les bruits s’estompent, une dame de l’immeuble d’en face nous fait des signes et nous hurle « courage! ».

J’ai toujours le corps douloureux mais mon coeur lui est regonflé à bloc.



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