Confinés mais ensemble - Chronique d’une période tourmentée #16

Jour 25

Mardi 7 Avril

La maison dort encore quand je me lève...
Mes yeux sont gonflés.
Gonflés de chagrin et de sommeil.

Mon mari doit retourner  au bureau, mais juste ce matin il a dit.
Je n’aime pas ça mais je n’ai pas vraiment le choix
Je lui fais promettre de faire attention.
Il se sauve tôt pour pouvoir être de retour pour le déjeuner.

Je déroule mentalement le programme de la journée:
Les garcons ne vont pas tarder à se lever.
Ils vont déjeuner.
Il auront droit à un dessin animé.
Puis je les habillerai et on se mettra au « travail ».

C’est toujours difficile de canaliser Martin pendant le moment d’activité de son grand frère.
Il veut faire comme lui mais évidemment il passe du coq à l’âne en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
C’est bien normal à à peine deux ans.
Je vais sortir la pâte à modeler, ça va l’amuser un moment.


Aujourd’hui, on va essayer de décorer un arbre de Pâques.
Habituellement, je ramasse des branches sèches dans la nature pour en faire un arbre joli à l’intérieur.
Oui mais voilà, nous sommes en ville.
Point de branches autour de nous.
Des jours que je scrute les rues du quartier depuis mon balcon en espérant apercevoir un arbre qui pourrait nous aider.
Mais rien.
Nous décoreront donc notre petit Olivier, que ma maman nous a offert pour notre mariage.
Il se portait bien dans notre ancien jardin, en pleine terre, il était heureux.
Dans son pot aujourd’hui, c’est une autre histoire.
Il semble souffrir d’être enfermé.
On dirait qu’il étouffe.


Avant le confinement, nous avions prévu d’aller chercher un pot plus gros et de la bonne terre pour lui redonner de la force.
Maintenant, il faudra attendre...

On va décorer notre olivier mal en point en prenant garde de ne pas le casser.

Je profite du calme pour imprimer les pages offertes aux enfants par Claude Ponti chaque jour à 10h.
Une page d’activité, illustrée par l’auteur que l’on aime tant ici, pour chaque jour de confinement.
Une page d’imaginaire, de mots emberlificotés et de rigolade par jour.

On a commencé hier et ça a eu un effet magique sur Marius.

Hier je suis descendue faire nos courses et j’ai ai profité pour ramener un cahier pour coller tous les jours la page de Claude Ponti, et quelques œufs de Pâques pour faire briller leurs yeux ce week end.


Pâques chez nous, c’est une fête que l’on attend autant que Noël.
On se retrouve autour d’un bon repas et d’un chasse aux œufs toujours beaucoup trop abondante.

Marius trépigne depuis des semaines à l’idée que Pâques arrive.


Et encore une fois il faudra compter sur les appels visio (et quelle chance d’avoir ça) pour partager ce moment habituellement familial, ensemble.

Je vais me faire couler un café avant que la cavalerie ne déboule du fond du couloir.
J’entends déjà ses petits pas...

Toute la journée je traine mon chagrin par la main.
Mes grands parents sont omniprésents dans ma tête.
La maison et le jardin sous les érables aussi...

Les hommes de ma famille ont décidé de la vendre...
Encore un sursis avec ce confinement.
Tout est à l’arrêt, et ça aussi.

J’aimerai avoir la solution pour qu’elle ne nous échappe pas...
J’ai beau chercher, je ne la trouve pas...

Je bloque ma réflexion, tout ça m’attriste encore plus...
Je n’ose même pas imaginer le jour où je devrais dire adieu...
C’est insupportable...

Je n’ai qu’une idée en tête: trouver des photos de mes grands parents, jeunes et amoureux, avec la bicyclette.
Je me plonge dans mes trésors: je suis la gardienne des photos de la famille.
C’est un immense honneur et un grand plaisir pour moi.
Elles sont dans des boîtes, des vieux albums et même dans une enveloppe en kraft...
Vous vous souvenez? Je vous en avais parlé ici il y a quelques années déjà.

Je croise le sourire de tatie Simone et de mamie, l’air sérieux de tonton Gilbert qui ne l’était que peu et les yeux espiègles de papy. Les visages de ceux qui ne sont plus là...


Je retrouve le chic éternel de marraine Josette, qui n’est en réalité la marraine que de l’un de mes oncles mais que chaque génération d’enfants après ça à baptisée ainsi. Nous l’appelons tous marraine, elle n’aime pas trop parler du passé ou en tout cas que je lui pose des questions, elle voulait jeter les photos de l’enveloppe, puis elle me les a offertes un jour d’automne. Un des plus précieux cadeau que j’ai jamais reçu.
Elle serait d’ailleurs peut être fâchée que je vous en montre parfois...
Faut dire qu’elle a un sacré caractère.
Aussi explosif qu’émotif.
On me dit que je lui ressemble parfois.
Et ça me rend fière je crois.

Je suis d’humeur morose et je traine ce brouillard toute la journée...

Jour 26

Mercredi 8 Avril

La journée commence de travers.
Dès le réveil je sens que l’ambiance est électrique.
Les enfants semblent en mode « je m’en bas les steaks de ce que tu peux dire ».
Et du côté des adultes, la patience ne sera pas la guest star de la journée.

Je crie beaucoup, beaucoup trop.

Je tente un temps d’activité « école à la maison » mais ça ne prend pas.
Refus d'obtempérer catégorique.

Je baisse les bras.
Ils font trop de bruit, mettent des jouets partout, sautent trop...
Je sais bien, ils en ont grand besoin.
Et moi je crois que j’ai besoin de silence et de calme.
Aujourd’hui en tout cas.

Ça tourbillonne dans ma tête.
Je déteste les jours comme ça.

J’arrive à me mettre au travail, mais je ne suis pas sereine.

C’est la lune vous dirait ma maman.
Elle a peut être raison.

On sent l’électricité dans l’air et c’est tout sauf une partie de plaisir.

Dans l’après midi, j’apprends de bonnes nouvelles.
Le projet sur lequel je travaille avance bien et tout ça me rend heureuse.

Je ne sais pas quand tout ça va se terminer.
Mais j’ai la sensation que notre couple se ressoude un peu mieux.
Les derniers mois nous avaient éprouvés au delà de ce que l’on pouvait imaginer.
La communication était moins évidente.
L’agressivité souvent permanente.

Mais, comme à chaque fois qu’une épreuve se présente à nous, cette fois encore on fait bloc.
On s’adoucit, on fait des efforts, on se retrouve, on devient une équipe plus forte encore.

Je ne sais pas si ça durera pour la vie.
Personne ne sait.

Mais les ressources que l’on trouve depuis 10 ans me fascinent.
Et je mesure ma chance.
O combien je la mesure...


J’ai peint un arc en ciel sur les vitres du balcon.
Nos voisins d’en face le verront ce soir, en sortant applaudir.
Cet instant « créatif » m’a fait un bien fou.
Essayez de dessiner sur des grandes surfaces, vous verrez, c’est euphorisant.
Même pour dessiner un arc en ciel de rien.
Ca m’a fait du bien.

La journée se termine dans la même électricité.
Aujourd’hui, aucun de nous n’a réussi à trouver les clefs pour redevenir un peu plus serein.

Mais ça ira mieux demain...
C’est certain...

Jour 27

Jeudi 9 Avril

Mon homme repart au bureau pour la journée.
Je ne m’y résoudrai pas aujourd’hui encore.
La peur au ventre, je lui fais mille recommandations qu’il connaît par coeur.


Les garçons sont un peu plus coopératifs.
Même si leur activité favorite reste le trampoline sur le canapé.
Je tremble de peur à chaque saut.
Je leur demande d’arrêter mais ils rient tellement qu’ils restent sourds à mes paroles.
J’essai de ne pas me laisser submerger par l’énervement.

C’est la peur ce coup ci qui commande.
La peur que mon plus petit ne tombe, lui qui est encore malhabile.
Mon grand est un acrobate, je suis moins inquiète.
Mais Martin est encore si petit.
Sa spécialité restant se cogner la tête, je n’ai pas vraiment envie que ça arrive.
C’est ma peur qui commande et je m’agace de les voir défier mes recommandations.

J’allume la téloche pour avoir quelques minutes de calme...
On essai de ne pas en abuser mais vous le savez, ici, c’est loin d’être interdit.

Je colorie pour moi ce matin, je me consacre quelques minutes avec la maison dessinée par Papillonage pour Atelier Rosemood.
J’aquarelle et j’essaie de ne penser à rien.
Ça fait du bien...

J’ai mille idées de projets, ce confinement me rend plus créative et, même si c’est très revigorant et motivant, je suis aussi très fatiguée de tout ce que j’ai en tête.
Encore un paradoxe!
Mais c’est tout de même le côté positif qui prend le dessus.
Et ça me rend joyeuse.

On termine la matiné sur le balcon, il fait frais mais le soleil est bien là.
Nous sommes à l’ombre de nos voisins d’en face, c’est pour ça...

Marius lance une idée et je m’engouffre dans la brèche: il voudrait jouer au marchand.

Et je reprends une bouffée d’enfance.
Je suis immédiatement transportée dans le jardin des landes, là où nous passions nos étés.
Mon grand oncle avait un tabouret avec un marche.
Il était pliable, en Formica.
Un escabeau quoi.
Vous voyez?
Ma soeur et moi, nous passions des heures, en culottes et avec un bob (cherche pas, on est nées dans les années 80) à côté de la haie avec ce truc.
L’une des deux s ‘asseyait sur la première marche de l’escabeau, face à la seconde qui devenait instantanément bureau, comptoir ou caisse.
Et « bonjour madame », et « ce sera tout? », et « ça vous fera 25 francs » (cherchez pas, j’vous ai dit, on est nées dans les années 80), et que nous voilà parties pour des heures de jeux à imiter le bip bip de la caisse, le bruit des touches...
Bon faut que je vous avoue un truc, ma soeur et moi, mais surtout ma soeur, on a toujours rêvé d’avoir une caisse enregistreuse comme à Prisunic. Avec des grosses touche carrées voyez?
Me demandez pas ce qu’on en ferait maintenant mais certainement que l’on passerait notre temps à appuyer sur les touches, juste pour la sensation et le bruit sourd.
Cherchez pas, on a des marottes comme ça...


Mes fils donc voulaient jouer aux marchands.
J’attrape un escabeau, leur caisse Fisher Price, je pose un tiroir d’imprimeur sur leur petit établi et on y range toute la nourriture de leur dînette.
On a déjà un bon début de quelque chose voyez...
Et on joue ensemble.
Et ça fait du bien.

Après le déjeuner, les enfants ne font pas de difficulté pour aller à la sieste (hosanna!).
Je peux donc me mettre à travailler un peu, sur fond de comédie musicale à la télé.
La mélodie du bonheur.
J’écoute à moitié mais ça me tient compagnie.
Je suis comme ça moi.
J’aime pas bien ca le silence.
Et j’ai toujours préféré l’image et le son de la télé pour me tenir compagnie, que le son de la radio.
C’est ainsi.
Ca l’a toujours été.
Quand je suis seule, impossible de m’endormir sans la télé par exemple voyez...?
On se dit tout non?

2h de sieste plus tard, les voila avec moi à nouveau.
Et je me lance dans un chantier qui a germé dans ma tête toute la journée.
Ce soir, notre petit marché aura un toit et une enseigne.
Je ne sais pas comment mais je vais trouver!
Je sors les derniers bouts de carton qu’il reste du déménagement.
Je découpe, je peins, j’en met partout mais c’est comme ça quand je bricole.
Et je bénie mes années d’animation qui m’ont appris à faire briller les yeux avec peu.

Quand Mathieu rentre, nous avons une enseigne, un toit mais pas de solution pour le faire tenir.
Heureusement, il trouve la solutions avec deux bouts de ficelle et à grand renfort de patafix.
On décore le mur avec des vieilles pubs et des jolis papiers et nous voilà parés à jouer.


Il est presque l’heure des applaudissement, mais avant l’un d’entre nous va aller piocher le bouton qui symbolisera la journée et que j’ajouterai à notre tambour qui compte les jours...




Commentaires

  1. La marchande. Nous on y jouait, avec mes deux petites soeurs, dans la caravane de mes grands-parents pendant les vacances. Celle avec la porte qui s'ouvre en deux parties. On ouvre la partie du haut, et, la partie du bas fermée, nous voici dans notre petite boutique. Tellement de souvenirs!! En tout cas, bien joli bricolage qui a du ravir tes deux petits.

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